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Le priapisme, l'autre état de l'érection

Médicalement parlant, le priapisme est défini comme une érection persistante, anormale et douloureuse, qui apparaît sans aucune stimulation sexuelle et qui, dans la plupart des cas, est impossible à résoudre par le coït ou la masturbation.

Le priapisme, une pathologie de l'érection.


Dans la première partie de cet article nous avons abordé l’état symbolique de la verge en érection, souvent compris dans une dimension érotique, mais en réalité fétiche de la fertilité humaine : le phallus. La propension contemporaine à ne voir dans l’érection du pénis qu’une perspective de performance sexuelle résulte paradoxalement, dans un contexte social d’hypersexualisation, d’une inculture sexologique généralisée. Le priapisme, pour la même raison, est perçu de façon erronée comme la manifestation d’une puissance sexuelle hors-norme. Or, le priapisme est un état pathologique caractérisé par une érection prolongée et douloureuse de la verge, sans qu’aucun désir ne l’occasionne et qui ne permet pas en règle générale de produire une éjaculation. C’est le dieu Priape, reconnaissable à son énorme pénis en perpétuelle érection, qui a donné son nom au terme médical. Cependant la comparaison s’arrête là, car Priape est un dieu de la fertilité, tandis que l’homme atteint de priapisme lui est normalement infécond.


Médicalement parlant, le priapisme est défini comme une érection persistante, anormale et douloureuse, qui apparaît sans aucune stimulation sexuelle et qui, dans la plupart des cas, est impossible à résoudre par le coït ou la masturbation. Trouble spécifique de l'érection, le priapisme peut prendre trois formes différentes dont l'une est considérée comme une urgence urologique absolue du fait d'une possible nécrose des tissus érectiles. Bien que les avis scientifiques divergent sur la question, on considère que passé un délai de 4 à 6 heures la persistance de l’érection est priapique.


Physiologie de l’érection.


L’érection du pénis est un évènement physiologique dont la complexité est due à l’interaction de plusieurs systèmes vasculo-nerveux ainsi qu’à la structure du pénis.


Le pénis est constitué de trois ensembles érectiles : deux corps caverneux situés sur sa partie dorsale qui surplombent sur un corps spongieux. Les corps caverneux sont circonscrits par un tissu conjonctif, l’albuginée, enfermant un réseau de fibres musculaires lisses qui délimitent de petites alvéoles dites « espaces caverneux » ou « espaces sinusoïdes ». Les racines des corps caverneux sont ceinturées par les muscles ischio-caverneux. Les corps caverneux sont essentiels pour assurer la rigidité pénienne. Le corps spongieux est quant à lui unique. Enveloppé dans une fine membrane albuginée, il entoure l’urètre et forme le gland à son extrémité. Il est composé d’un tissu érectile qui participe à l’érection mais qui, contrairement aux corps caverneux, reste compressible. Lors de la tumescence, le remplissage vasculaire du corps spongieux entraîne un affaissement de l’urètre pénien qui ne sera vaincu que par les puissantes contractions du tractus séminal lors de l’éjaculation. Le muscle bulbo-caverneux qui recouvre sa face inférieure favorise, en se contractant, l’afflux de sang vers le gland.



Vues centrales du pénis

On peut comparer le mécanisme érectile à un système hydraulique comprenant une entrée artérielle, une partie gonflable, et une voie de sortie veineuse.


Chaque corps caverneux est traversé par une artère centrale, dite artère caverneuse, qui se ramifie en de petites artères, dites hélicines, communiquant directement avec les espaces sinusoïdes. Si l’artère caverneuse est responsable de l’irrigation principale du pénis, elle est secondée par deux plus petites artères qui parcourent le dos de la verge. Une partie du retour veineux est collectée par une grande veine dorsale, l’autre partie est drainée par les veines des piliers caverneux. Les nerfs sensitifs de la verge suivent les artères et veines dorsales.


Coupe transversale du pénis

Lorsque la verge est flaccide, les espaces sinusoïdes sont comprimés par les fibres musculaires lisses qui les entourent. C’est donc le relâchement de ces dernières qui permet l’ouverture des espaces sinusoïdes pouvant alors se gorger de sang et induire le gonflement du pénis (tumescence). Lors de la tumescence pénienne, l’augmentation du volume des corps caverneux entraîne la compression des veines situées sous l’albuginée, peu extensible et très résistante, et de facto, l’arrêt du retour veineux. À chaque contraction du myocarde (systole), le flux sanguin accroît la pression dans les corps caverneux pour aboutir à une rigidité pénienne maximale (érection). Notons que la contraction des muscles ischio-caverneux et bulbo-caverneux participe à l’augmentation de la rigidité de la verge.




Remplissage des corps caverneux

L’érection est le fruit d’interactions complexes entre les systèmes endocrinien, nerveux et vasculaire dont le fonctionnement idéal dépend de l’état de santé physique et psychologique de l’individu. Quelle que soit la nature du stimulus impliqué — sollicitation du gland, stimuli visuel, auditif ou olfactif, fantasme — l'érection se développe via un processus biochimique à base d’une production de monoxyde d’azote (NO). Le NO est un neuromédiateur gazeux qui en pénétrant les cellules musculaires lisses, des artères péniennes et des espaces sinusoïdes, déclenche une réaction en chaîne qui conduit à une diminution de leur concentration en calcium. Ce phénomène permet leur relaxation induisant à la fois un afflux sanguin par vasodilatation artérielle et le remplissage des corps érectiles par l’ouverture des espaces sinusoïdes. En se gorgeant de sang, ces derniers compriment les veines situées sous l’albuginée (peu extensible et très résistante) interdisant au sang de s'évacuer. Les corps caverneux deviennent alors rigides. Le corps spongieux suit le même processus sans pour autant devenir rigide, l’urètre étant ainsi préservée d’une occlusion totalement rédhibitoire pour l’éjaculation. En résumé, l’érection correspond à un état de relaxation et non de contraction des fibres musculaires lisses.


Espaces sinusoïdes entourés par les fibres musculaires lisses

Normalement l’érection s’efface à la suite de l’éjaculation. La concentration en calcium redevient celle qu’elle était avant la tumescence et la verge connaît une détumescence par vasoconstriction des artères péniennes et des espaces sinusoïdes. C’est donc un dysfonctionnement de ce processus qui est impliqué dans le priapisme.

Les différentes formes de priapisme.


Selon l’Association Française d’Urologie, trois types de priapisme doivent être distingués :


  • Le priapisme ischémique bas débit ;

  • Le priapisme à haut débit artériel ;

  • Le priapisme récidivant (intermittent).


Le priapisme ischémique bas débit est le plus fréquent. Il est la conséquence d’une paralysie du muscle lisse caverneux qui ne peut plus se contracter et laisse stagner du sang hypoxique (insuffisamment oxygéné) au sein des espaces sinusoïdes. Il est considéré comme une urgence urologique absolue caractérisée par la persistance d’une érection douloureuse de plus de quatre heures des corps caverneux et en dehors de toute stimulation sexuelle. La durée du priapisme est un élément diagnostic fondamental. Les premières lésions des fibres musculaires lisses des corps caverneux surviennent après 12 heures de priapisme, au-delà de 24 heures, sans traitement efficace, la dégradation des tissus peut être telle qu’elle conduit à une perte de la fonction érectile dans 90% des cas. Les causes de ce type de priapisme sont nombreuses :


  • injections intracaverneuses ;

  • prise de médicaments (sildénafil et autres) ou de stupéfiants (cocaïne, cannabis) ;

  • maladies responsables de modifications hémorhéologiques du sang intracaverneux.


À noter que si les corps caverneux sont rigides et douloureux, le gland et le corps spongieux restent flaccides.


Le priapisme artériel haut débit, se présente le plus souvent comme une érection partielle, une tumescence d’une partie du pénis. Il cause un inconfort localisé, évoluant sur plusieurs jours, mais n’est pas douloureux. Il est généralement associé à un traumatisme du pénis, à une fistule cavernospongieuse, plus rarement à un traitement agressif d’un priapisme ischémique, au développement d’une tumeur, à des métastases hypervasculaires ou encore à la prise de médicaments contenant des agents vasoactifs proérectiles.


Typiquement, le priapisme récidivant, intermittent ou chronique prend la forme d’érection nocturne prolongée, persistant plusieurs heures après le réveil du sujet et devenant douloureuse. Ce priapisme a été décrit initialement chez les patients souffrant de drépanocytose, une maladie génétique caractérisée par une anomalie de l’hémoglobine. Les hommes drépanocytaires peuvent connaître des épisodes priapiques dès l’enfance. Cependant, ce type d’érection peut survenir chez des patients en dehors de toute maladie hématologique. Si en règle générale elle ne dure pas plus de trois heures, elle peut toutefois évoluer vers un priapisme ischémique. Dans plus de 60% des cas aucune circonstance déclenchante n’est identifiée, il peut s’agir d’un rapport sexuel, du sommeil, d’une déshydratation, d’une exposition au froid ou d’une fièvre.


Prise en charge des priapismes.


Le priapisme ischémique bas débit, nécessite une prise en charge thérapeutique urgente afin d’éviter la nécrose musculaire. Schématiquement, le traitement du priapisme bas débit avant la sixième heure peut se faire via un effort physique, un rapport sexuel avec éjaculation, une réfrigération cutanée pénienne. Entre la sixième et la vingt-quatrième heure par la prise orale d’alphastimulants ou en cas d’échec par injection intracaverneuse. Une ponction intracaverneuse peut être associée à cette dernière pour décomprimer les corps érectiles engorgés de sang. Cette ponction devient obligatoire en cas d’échec ou de contre-indications à la prise d’alphastimulants ou encore lorsque le priapisme dure depuis plus de 24 heures. Enfin il peut être envisagé de procéder à un shunt caverno-spongieux, une intervention chirurgicale qui permet au sang des espaces sinusoïdes d’emprunter les voies de drainage veineux du corps spongieux.


Le priapisme haut débit peut disparaître spontanément ou à la suite d’une manœuvre de compression périnéale. Lorsque la cause est une fistule cavernospongieuse, le traitement définitif se fait par son embolisation. Notons que l’embolisation est une intervention qui a pour objectif de boucher les vaisseaux sanguins. Lorsque l’embolisation ne donne pas de résultats probants, une ligature chirurgicale élective doit être pratiquée. Les séquelles sur la fonction érectile induites par le priapisme haut-débit sont exceptionnelles, mais toutefois plus importantes en cas de ligature.


En cas de priapisme chronique ou récidivant, les urologues préconisent des traitements pharmacologiques de fond pour prévenir les épisodes priapiques. Toutefois, chaque épisode aigu doit être considéré et traité comme une urgence. En fonction de la gravité des épisodes priapiques et du risque d’évolution vers un priapisme ischémique, certains patients sont amenés à réaliser eux-mêmes des injections d’alphastimulants.


Le priapisme est une maladie dont les conséquences sont potentiellement graves. Il nécessite généralement une prise en charge urgente. La qualité du diagnostic est essentielle pour éviter des complications dont la dysfonction érectile permanente et irréversible est la forme la plus sévère. Cet état de la verge en érection n'est donc pas synonyme de puissance sexuelle, mais bien d'un dysfonctionnement de l'organe.

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